À l'occasion de la rentrée universitaire et à trois semaines du salon Show Industrie, rencontre de deux femmes d'influence : Hélène Boulanger, présidente de l'Université de Lorraine et Nathalie Vaxelaire, présidente de l'Union des Industries et Métiers de la métallurgie Lorraine (UIMM) à propos des liens de proximité entre l'université et l'industrie. ️ Lire l'intégralité de jeem n°17 où cette interview a été diffusée Nous sommes sur un territoire qualifié par Franck Leroy, président de la région Grand Est de Terre d'Industrie : à ce titre de quelle nature voyez-vous les relations entre l'Université et l'Industrie ? Nathalie Vaxelaire : Pour mémoire, la Région Grand Est est une terre d'industrie avec 8 800 entreprises et près de 260 000 salariés directs. L'industrie est la colonne vertébrale économique et sociale des territoires. Et la souveraineté de notre pays ne peut s'exprimer sans une industrie forte, la crise sanitaire nous l'a fait clairement comprendre. Et notre industrie est forte grâce aux compétences et au talent des femmes et des hommes qui y travaillent au quotidien. Une carrière professionnelle, ce sont des séquences en entreprise et ce sont aussi des séquences de formation pour acquérir de nouvelles compétences qui vont nous permettre de relever les défis des nouvelles technologies ou encore l'IA par exemple. Et c'est là que tout l'enjeu des relations de confiance et de proximité se joue avec l'Université de Lorraine : comment interagissons-nous pour ajuster et construire les parcours de formation ? Comment facilite-t-on les passerelles entre les industriels et les chercheurs ? Hélène Boulanger : Aujourd'hui, il y a 25 000 universités dans le monde et l'Université de Lorraine est dans le top 1%, ce qui est significatif pour un territoire comme le nôtre, notamment très ancré dans le champ de l'industrie avec bien évidemment l'ingénierie minière, les questions d'énergie, les matériaux et le numérique. Cela est donc tout à fait naturel de développer des coopérations étroites avec les industries. C'est un marqueur fort de l'université, dont le développement a accompagné dans l'histoire celui de l'industrie. Cela signifie aussi se nourrir mutuellement. Nous nourrissons l'industrie et l'industrie nous nourrit en retour. Je rappelle souvent qu'un quart des heures d'enseignement à l'université sont assurées par des professionnels extérieurs, notamment par des personnels de nos partenaires industriels. Donc vous imaginez : si nous enlevons ces coopérations, nous avons un quart de notre activité de formation qui tombe à l'eau ! Et nos formations, ce sont bien sûr des opportunités pour les jeunes après le bac mais aussi des opportunités pour les personnes déjà en activité qui souhaitent évoluer dans leurs compétences. J'ajoute à cela que nous offrons aussi des services pour accompagner l'innovation des entreprises afin de répondre à des besoins. Par exemple, des entreprises, qu'elles soient ou non équipées d'un service « Recherche et Développement », font appel à nous parce que nous disposons d'équipements de premier plan ou parce qu'elles ont besoin de nos chercheurs pour faire sauter des verrous technologiques qui les empêchent de conquérir de nouveaux marchés ou de rester compétitives. Dans trois semaines se déroulera la seconde édition du Show Industrie ouverte au grand public : inciteriez-vous les étudiants de l'Eurométropole de Metz à s'y rendre ? Hélène Boulanger : C'est absolument et définitivement oui ! L'université de Lorraine communiquera pour encourager ses étudiants et ses étudiantes à se rendre au Show Industrie. A mon sens, les métiers de l'industrie sont souvent mal connus au travers de représentations qui sont souvent très anciennes. C'est donc une excellente occasion pour favoriser la rencontre entre de jeunes talents et des entreprises, des industriels, pour arriver à rapprocher ces univers et déconstruire des représentations souvent complètement datées du monde de l'industrie. Nathalie Vaxelaire : Absolument ! L'industrie de nos territoires fait son show en novembre prochain. Et c'est une formidable occasion d'être curieux et de venir à la rencontre de femmes et d'hommes passionnants et passionnés. D'oser aussi changer sa vision sur l'industrie d'aujourd'hui et de se laisser penser qu'une orientation dans des carrières scientifiques et techniques, c'est fait pour soi. De se dire qu'on a envie d'être acteur de la transition énergétique et environnementale de notre société en contribuant à rêver, à développer, à fabriquer les solutions techniques qui nous permettent déjà et nous permettront encore davantage demain à relever ce défi majeur pour nous tous. Je lance une sincère invitation aux jeunes, aux familles, aux prescripteurs de l'orientation de l'Eurométropole de pousser la porte de Show Industrie de venir à notre rencontre et qui sait… leurs yeux se mettront certainement à pétiller. La question du recrutement est sensible et beaucoup d'entreprises industrielles peinent à trouver le personnel adapté à leur activité. Comment, selon vous, rendre certaines filières plus attractives ? Nathalie Vaxelaire : Les tensions de recrutement sont un quotidien dans tous les pans de l'économie, pas seulement dans l'industrie. La réalité et la perception de cette réalité sont deux choses très différentes. L'industrie a peut-être manqué de communication, j'en conviens : nous sommes d'abord et avant tout des ingénieurs, des techniciens, des gestionnaires et pas suffisamment des communicants. Nous l'avons compris et tant l'UIMM Lorraine que les industriels de la branche, nous oeuvrons pour faire connaitre l'industrie telle qu'elle est aujourd'hui : faire visiter nos entreprises, provoquer des rencontres avec des femmes et des hommes ingénieur(e)s, technicien(ne)s, opérateur(trice)s pour qu'elles et ils parlent de leur métier, c'est important. Nous voulons montrer nos savoir-faire, faire découvrir nos ateliers et nos technologiques. Nos usines ont changé depuis 30 ans ! Nous voulons aussi faire connaitre nos métiers qui sont autant accessibles aux femmes qu'aux hommes grâce notamment aux progrès en ergonomie et aux technologies qui automatisent beaucoup de tâches. Vous savez que l'industrie compte aujourd'hui 30 % de femmes ? Et qu'elles y font carrière ? Et puis, ce qui me semble essentiel, c'est d'expliquer le sens de ces métiers, à quoi contribuent les fabrications, les innovations, les productions de nos industries. Je l'ai exprimé tout à l'heure : c'est l'industrie qui innove et développe les solutions technologiques nécessaires à la transition énergétique et environnementale de notre société. N'est-ce pas un beau challenge !? Hélène Boulanger : La communication est au coeur de ce sujet ! Nous avons des capacités de formation disponibles sur les filières industrielles qui offrent de nombreux débouchés et qui ne sont pas remplies : en maintenance, génie mécanique, génie électrique, génie industriel, pour ne citer que ceux-ci... Attirer les étudiants vers ces filières est un travail auquel tout le monde doit s'atteler parce que cela correspond non seulement aux besoins de la nation de manière générale, mais aussi à des perspectives de carrière pour les jeunes qui sont très intéressantes mais souvent mal connues. Travailler en termes de communication, c'est effectivement mieux mettre en visibilité l'industrie aujourd'hui. Il faut donner à voir ces carrières dans les médias, par exemple au travers de personnalités modèles. Il faut renforcer dans les médias la présence de femmes et d'hommes de l'industrie et les valoriser comme c'est déjà le cas pour d'autres personnes qui s'illustrent dans la politique, la chanson, la musique ou le sport ! Nous devons les faire exister autrement, en créant des personnages qui peuvent servir de référence tout en faisant rêver et faire exister l'univers de l'industrie au travers de contenus médiatiques qui ne sont pas des opérations de valorisation directes mais qui font exister ces métiers comme cela a été fait par exemple pour le métier de profiler. Si j'étais totalement disruptive, je dirais qu'il faudrait créer une série télé ! Cet effort de communication n'est pas juste l'affaire de l'université. Dès le collège, nous intervenons avec des organisations et des associations professionnelles. Mais c'est aussi l'affaire de toutes et tous : enseignantes et enseignants, pouvoirs publics, familles et entourages. Nous devons agir tous ensemble sur les territoires, notamment en faveur des populations plus défavorisées où il y a souvent un écart notable entre ce que les jeunes pourraient faire et ce qu'ils osent réaliser. On observe en effet beaucoup d'autocensure : beaucoup de jeunes s'interdisent en raison de freins sociaux, culturels, psychologiques et économiques. Des leviers comme le développement de l'apprentissage ou des stages leur permettent, y compris dès la 3e, de découvrir un univers dont ils n'ont pas idée et auquel ils n'ont pas non plus accès. Plus il y a d'occasions de rencontre, plus il y a d'occasions de déconstruire des représentations et de construire une représentation de nouveaux possibles qu'ils n'imaginaient pas avant. Nathalie Vaxelaire : Vous avez raison de dire qu'il faut qu'on intervienne auprès des jeunes. Au niveau de l'UIMM Lorraine, nous accueillons tous les ans près de 4 000 collégiens et collégiennes de manière ludique, pour leur faire découvrir l'industrie, la technique et la technologie. C'est déjà un premier pas significatif. Nous participons également à Show Industrie, une initiative de France Industrie Grand Est, que nous avons évoquée tout à l'heure. Nous venons de lancer un plan d'actions en faveur de la mixité avec des podcasts avec @LaClenche (Thomas Mertz) et des capsules vidéo (avec le Républicain Lorrain et des collèges de Lorraine) qui vont être prochainement publiés. Nous y mettons à l'honneur des femmes ingénieures, techniciennes, opératrices, passionnées par leur métier. Elles parlent du fond du coeur de ce qu'elles font au quotidien, de la manière dont elles font progresser leur entreprise, de la manière dont elles créent des produits, découvrent des nouvelles technologies ou assemblent des produits. Elles parlent aussi de leur parcours, de leur carrière, de ce qui les motive et enthousiasme dans leur métier. Je m'arrête volontairement sur les capsules vidéo, réalisées par des collégiens sur la question de la mixité. Ils sont accompagnés, à notre demande, par une équipe de journalistes du Républicain Lorrain qui leur expliquent comment traiter un sujet de manière éditoriale, poser des questions, être curieux et s'organiser pour, une fois au sein d'une entreprise industrielle de leur territoire, aller interviewer des femmes et des hommes de l'industrie. Je trouve très habile de mettre en valeur l'industrie à leur manière, avec leurs mots, partir de leurs représentations et provoquer des rencontres et des échanges. Laisser les jeunes parler des industries en fonction de ce qu'ils ont pu constater ou ressentir, c'est peut-être aussi la bonne manière pour les inciter à aller plus loin, en osant être curieux. La communication, c'est le vecteur clé. Nous pouvons citer également la Semaine de l'Industrie (du 18 au 24 novembre 2024) et beaucoup d'opportunités qui sont autant d'engagements pour les entreprises. Recevoir des classes de collégiens pendant cette Semaine de l'Industrie demande une organisation spartiate, mais tout le monde fait son maximum, parce que nous sommes conscients des enjeux pour nous, pour eux, pour la société dans son ensemble. En termes de formations, certains cursus peuvent-ils être améliorés pour mieux répondre aux enjeux de l'industrie de demain avec notamment l'arrivée de l'IA ? Nathalie Vaxelaire : La vie elle-même n'est que transformation et évolution. L'industrie aussi. Elle s'adapte, s'améliore, se remet en question, se transforme. Sans cesse, l'industrie innove et gagne en réactivité et en performance. Et oui, il est parfois compliqué de faire coïncider le timing des nouveaux besoins en compétences avec le timing de la construction des programmes des diplômes de l'Université. C'est pour cela qu'il est vraiment essentiel que nous poursuivions nos travaux ensemble, les industriels et les universitaires, pour partager le plus en amont possible les transformations annoncées. La collaboration également avec notre Pôle formation UIMM Lorraine est une véritable chance collective pour gagner en agilité dans l'adaptation rapide des contenus de formation. Nous avons la capacité à lancer des modules très spécifiques, même pour de petites sections, pour répondre aux enjeux de compétences des industriels. Hélène Boulanger : A l'université, nous sommes aussi dans une démarche d'amélioration continue, suivie de près par des instances d'évaluation au moins de niveau national. Il existe, au travers de nos partenariats avec les entreprises, des échanges très réguliers sur ces questions. Nous réfléchissons bien évidemment en termes de prospective pour nous projeter dans un futur qui n'est pas immédiat, ce qui est toujours un exercice délicat. Parfois on peut se tromper : on imagine que telle profession ou telle compétence vont être indispensables dans 5 ans et puis finalement elles ne le sont pas. C'est la raison pour laquelle au sein de chaque formation, nous avons des conseils appelés « conseils de perfectionnement » qui nous permettent de travailler avec les professionnels du secteur et d'essayer d'ajuster le mieux possible et en permanence, en fonction des besoins des entreprises et de la société en général. Il nous faut aller assez vite et en même temps pas trop vite, parce que si nous allons trop vite, nous amenons des étudiants sur un marché du travail qui n'est pas prêt à les recevoir. Et si nous n'allons pas assez vite, cela aura exactement le même effet mais cette fois-ci parce que leurs compétences ne seront pas au rendez-vous des besoins ! Donc l'ajustement doit être permanent. Nous avons des renouvellements de l'offre de formation en globalité tous les 5 ans mais nous adaptons l'offre de formation en permanence. L'Université de Lorraine a ainsi décroché des financements comme celui pour le développement d'un cluster en intelligence artificielle de rang européen. Il y a un volet formation et un volet recherche qui sont articulés avec des partenariats industriels de premier plan. Cela représente des dizaines de millions d'euros d'investissements pour développer l'innovation, la recherche et la formation dans ces domaines. Et cela va irriguer l'ensemble de notre offre de formation parce qu'il est probable qu'aucun métier n'échappe à cette question avec des impacts à des degrés divers et variés : vous allez avoir des usagers de l'intelligence artificielle dans des métiers qui ne sont pas foncièrement des métiers de l'intelligence artificielle et vous allez avoir les métiers de l'intelligence artificielle. Ce travail d'évolution, d'adéquation ou d'adaptation de l'offre de formation aux besoins des entreprises et aux besoins de la société en général, nous le réalisons en permanence mais je veux insister sur un point : notre objectif est aussi de former des étudiants tout au long de la vie ou de les préparer à se former tout au long de leur vie professionnelle. Ce qui importe, c'est qu'ils soient équipés de manière à pouvoir faire évoluer leurs compétences tout au long de leur vie professionnelle. Nous sommes là aussi pour leur apprendre à apprendre. Nathalie Vaxelaire : Ce point est crucial car nous sommes en train de créer les bases d'une ouverture d'esprit inédite, car effectivement ils vont changer de filière, parce qu'aujourd'hui les gens ne restent plus 40 ans dans la même entreprise. Ils vont changer, ils vont bouger mais ils vont aussi pouvoir progresser parce qu'ils ont acquis les bases nécessaires à cette capacité d'évolution. Les entreprises veillent aussi à la formation tout au long des carrières professionnelles de leurs salariés. Je l'ai déjà évoqué, les technologies, les outils, les équipements changent rapidement. Proposer aux salariés d'acquérir et de développer des nouvelles compétences, c‘est aussi permettre aux salariés de continuer à pouvoir s'épanouir dans l'entreprise. C'est un préalable gagnant-gagnant pour l'entreprise et pour les salariés qui ont acquis les bases qui les feront progresser et évoluer sans difficulté. Les métiers de l'industrie sont également au coeur des objectifs de mixité : à l'aune de vos expériences respectives, observez-vous une nouvelle expression de la parité ? Nathalie Vaxelaire : Les femmes sont déjà présentes dans les métiers techniques dans nos industries, on ne le sait pas suffisamment. Alors oui, nous avons des marges de progression et nous y travaillons. Il faut faire davantage de place aux femmes, s'obliger sans pourtant recourir à des quotas dont les effets peuvent être pernicieux. Au niveau européen, sur l'activité industrielle, nous sommes 7e en termes de féminisation ! Donc, nous pouvons mieux faire. Nous vous en parlerons sur Show Industrie. A ce titre, j'invite les jeunes filles et les jeunes femmes à oser s'engager dans des carrière scientifiques et techniques. Nous allons leur montrer que les entreprises industrielles sont des lieux d'épanouissement, d'ascenseur social et de travail ayant du sens et où les femmes ont déjà toute leur place…et qu'il en reste de la place ! Nous sommes prêts à nous engager à recevoir en entretien des jeunes filles quand nous recrutons. Mais je concède que ce n'est pas toujours facile quand le nombre de femmes ingénieurs ne représente qu'un tiers des diplômés. Là aussi, nous avons, avec l'Université un enjeu de taille : que davantage de jeunes filles choisissent des filières scientifiques et techniques. Et cela se joue au lycée. Hélène Boulanger : Cela dépend des filières car nous connaissons aussi par endroit un problème inverse avec insuffisamment de garçons, et cela arrive aussi dans des filières ingénieurs. Nathalie Vaxelaire : Je vous suis parfaitement. Mais il faut admettre que vous avez beaucoup de filles dans la filière agroalimentaire alors que pour les filières plus techniques, les garçons seront plus nombreux, tout comme en informatique. Il faut que cela devienne aussi pour elles un centre d'intérêt. Hélène Boulanger : Les premiers chercheurs en informatique, les personnes qui ont porté la naissance de l'informatique étaient justement des femmes. Je pense que nous avons tous en tête l'histoire de ces femmes noires américaines de la NASA dans ce film formidable, « Les figures de l'ombre ». Nathalie Vaxelaire : Nous avons plein de magnifiques exemples de femmes qui, depuis plus d'un siècle, font progresser la cause des femmes. Je pense notamment à Marie Curie : deux prix Nobel et première femme à diriger un laboratoire en université. Il faut se rappeler qu'elle a quitté son pays pour pouvoir étudier en France, parce qu'en Pologne les femmes ne pouvaient pas accéder au cursus universitaire. C'est un exemple de référence, et il y en a tellement d'autres ! Elles sont des modèles pour les jeunes femmes d'aujourd'hui, pour leur donner envie de se tourner vers les études scientifiques et techniques. Et paradoxalement, pour de nombreuses jeunes filles, l'intérêt pour les sciences les conduit, le plus souvent, vers le domaine de la santé. Il faut les encourager et susciter leur intérêt pour l'industrie. Elles sont parfaitement légitimes ! Elles ont souvent une réserve qui les honorent mais les dessert. Par exemple, j'ai souvent remarqué que si vous proposez une promotion à un homme, il va l'accepter tout de suite. Une femme va le plus souvent se poser les questions sur ses compétences en rapport avec le poste. Et si elle pense ne pas cocher toutes les cases, elle ne va pas y aller ! Il faut aussi aider les femmes à prendre confiance en elles. Les carrières leur sont ouvertes. Pour elles aussi, il n'y a que des opportunités ! Hélène Boulanger : La question de la confiance en soi est effectivement essentielle. Nous devons peut-être nous-même commencer par expliquer à nos collègues féminines, pour les rassurer, que c'est normal qu'elles aient peur de s'affirmer dans des univers parfois encore très majoritairement masculins. Dans ces contextes, c'est normal et tout à fait compréhensible de douter de nous-mêmes. D'ailleurs, nous n'avions pas une confiance innée, elle s'est construite jour après jour. C'est légitime et nous devons partager ce vacillement comme un héritage culturel commun. Je partage tout ce que vous avez dit, il s'agit vraiment d'un effort global pour modifier les représentations, ouvrir le champ le champ des possibles. L'universitaire que je suis, regarde forcément un peu les statistiques et je constate un problème global genré d'accès aux études. Plus exactement, plus vous montez en niveau de formation, moins il y a de femmes. C'est une réalité : en doctorat, le pourcentage de femmes est quand même significativement inférieur au pourcentage de femmes qui a passé le baccalauréat et inférieur encore au pourcentage de femmes qui a passé le brevet. C'est encore accentué quand nous regardons les filières de sciences expérimentales et formelles ou des filières technologiques (je rappelle au passage que les sciences humaines sont aussi des sciences). Là encore, on a un effet suraccentué puisque nous n'avons pas suffisamment de femmes qui s'orientent dans ces voies-là. Or, nous disposons d'expériences qui montrent un certain nombre de résultats : je pense à une étude publiée récemment qui montrait les effets de rencontres organisées des lycéennes et des professionnels, soit du domaine de l'industrie en tant que telle, soit de la recherche en sciences expérimentales et formelles, soit du secteur technologique. Le pourcentage de choix qui se sont orientés à l'issue de ces rencontres vers ces filières a significativement augmenté. Cela signifie que plus nous permettons la rencontre, plus nous faisons exister cet univers des possibles. Je le dis et le redis, plus nous ferons entendre ce qui est notre réalité quasi quotidienne, plus nous pouvons préparer des femmes aux obstacles qui peuvent se présenter à elles. C'est notre contexte social, inscrit dans la longue durée de la place des femmes, qui nous conduit à nous poser des questions, à nous remettre en cause et à douter de nous en permanence. C'est quelque chose de normal et tout à fait compréhensible étant donné notre environnement socioculturel. Donc pour moi, la vraie question pour les femmes est : comment pouvons-nous transformer ce doute qui nous habite en une force pour changer le monde ? Et cette question doit parler à toutes les femmes parce que c'est ce que nous faisons tous les jours, la plupart du temps sans faire de bruit. Bio express Nathalie Vaxelaire Sa carrière dans l'industrie débute en 1994 dans une entreprise de dimension internationale, la société Trane. En 2011, elle prend la présidence de Compagnie Ingersoll Rand SAS et de Société Trane SAS. Présidente de l'UIMM Lorraine Membre du Bureau et Présidente du Comité Statutaire de l'UIMM nationale Vice-Présidente Industrie à la CCI des Vosges Membre du Conseil d'Administration du MEDEF Vosges Bio express Hélène Boulanger Maîtresse de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication à l'Université de Lorraine, membre de l'équipe Praxis du Centre de recherche sur les médiations - Crem. Directrice du Collégium Sciences Humaines et Sociales de l'Université de Lorraine de 2012 à 2017. Présidente Université de Lorraine Présidente de l'Université de la Grande Région Présidente de la Commission Consultative Nationale des IUT Membre du Conseil d'Administration de France Universités, Vice-Présidente du Conseil de la Formation, Vie étudiante et Insertion professionnelle de France Universités